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La persistance de l’état d’urgence sanitaire suite à la propagation du Covid-19 tend à inscrire le télétravail dans la durée. Généralement vu comme un dispositif conçu pour un usage ponctuel et utilisé par une minorité de salariés principalement cadres, il est devenu pendant plusieurs mois la norme du travail quotidien pour une grande majorité des salariés.

Quelle prise en charge des frais liés au télétravail ?

La crise sanitaire actuelle liée à la propagation du Covid19 oblige les entreprises qui le peuvent à repenser l’organisation du travail, notamment en généralisant le télétravail. Ceux qui peuvent en bénéficier s’interrogent sur ce que l’employeur doit financièrement prendre à sa charge : quels sont les remboursements obligatoires et ceux qui sont facultatifs ?

Faire la différence entre les différents types de télétravail : occasionnel, régulier, ou « exceptionnel » ?

Dans la plupart des entreprises, le télétravail prend généralement trois formes :

  • Le télétravail dit « sauvage » : il se pratique mais ne répond pas aux normes légales. Dans beaucoup d’entreprises, il correspond au télétravail occasionnellement demandé par le salarié à sa convenance. N’étant régi par aucun texte d’entreprise (contrat de travail, charte ou accord), elle peut mettre en difficulté le salarié sur les questions de santé et sécurité, notamment en cas d’accident de travail.
  • Le télétravail régulier : il nécessite une contractualisation. Dès lors, chacune des parties devra respecter les clauses négociées, notamment sur son organisation où ses règles d’indemnisations.
  • Le télétravail « exceptionnel » :  cette disposition est prévue dans l’article L.1222-11 du Code du Travail : « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure », l’employeur pourra imposer le télétravailau salarié sans contractualisation ni accord d’entreprise préalables.

Les règles générales d’indemnisation des frais professionnels… de quoi parle-t-on ?

De jurisprudence constante, les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être obligatoirement remboursés par ce dernier.  La clause du contrat de travail qui met à la charge du salarié les frais engagés pour les besoins de son activité professionnelle est réputée non écrite, c’est-à-dire qu’elle est inapplicable (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 septembre 2013, 12-15.137 12-15.138 12-15.139, Inédit). Les remboursements de ces frais professionnels ne constituent pas un revenu d’activité et ne sont pas soumis aux prélèvements de la CSG et de la CRDS.

En principe, l’employeur dispose de deux façons d’indemniser les frais engagés par le salarié au titre de l’accomplissement de ses missions : 

  • « Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le salarié ; l’employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents,
  • Soit sur la base d’allocations forfaitaires ; l’employeur est autorisé à déduire leurs montants […] sous réserve de l’utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet » (Arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels, art. 2).

Des règles d’indemnisation spécifiques pour le télétravail (local dédié au sein du domicile, outils de communication…)

Cependant, le même arrêté précise ce que recouvre l’indemnisation, sans que cette liste ne soit exhaustive :

  • En son article 6, que les « frais engagés par le salarié […] en situation de télétravail […] sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi, sous réserve que les remboursements effectués par l’employeur soient justifiés par la réalité des dépenses professionnelles supportées par le travailleur. […] Trois catégories de frais de ce type peuvent être identifiées :
    • Les frais fixes et variables liés à la mise à disposition d’un local privé pour un usage professionnel ;
    • Les frais liés à l’adaptation d’un local spécifique ;
    • Les frais de matériel informatique, de connexion et de fournitures diverses ».
  • En son article 7, que « les frais engagés par le salarié […] à des fins professionnelles, pour l’utilisation des outils issus des nouvelles technologies de l’information et de la communication qu’il possède, sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi conformément au contrat de travail. Les remboursements effectués par l’employeur doivent être justifiés par la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié […],
  • Lorsque l’employeur ne peut pas justifier la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié […], la part des frais professionnels est déterminée d’après la déclaration faite par le salarié évaluant le nombre d’heures à usage strictement professionnel, dans la limite de 50 % de l’usage total».

Ainsi, même lorsque les dépenses professionnelles ne sont a priori pas connues, elles doivent être déterminées strictement selon les règles précédemment citées : il n’y a pas d’indemnité forfaitaire au titre des frais engagés par le salarié pour l’accomplissement de ses missions dans le cadre du télétravail.

Précisions sur les frais d’occupation du domicile dès lors qu’un local est prévu au sein de l’entreprise

Même si les règles de l’arrêté du 20 décembre 2002 sont explicites sur la nature de ce qui est indemnisable concernant les frais professionnels, il convient de s’interroger sur celles induites par la jurisprudence portant sur les frais d’occupation du domicile pour les salariés ne disposant pas de local dans l’entreprise (qui se rapprochent de celles du télétravailleur à beaucoup d’égards) :  

  • L’indemnité est due si aucun local n’est prévu pour le salarié dans l’entreprise : « Aux motifs que le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mars 2019, 17-21.014 17-21.028, Publié au bulletin),
  • L’indemnité n’est pas dû dans le cadre du stockage de documents de l’entreprise au domicile du salarié, dès lors que l’employeur mettait déjà à disposition un local dans son entreprise à cet effet : « Mais attendu que le salarié ne peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel est mis effectivement à sa disposition » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 décembre 2013, 12-19.667 12-19.793, Publié au bulletin) »,
  • L’indemnité se calcule au prorata de l’espace dédié au domicile du salarié : « … que l’utilisation par un salarié d’une partie de son domicile pour les besoins de son activité professionnelle, lorsqu’elle est connue au moment de la conclusion du contrat de travail, constitue une modalité particulière de son exécution nécessairement prise en compte dans l’économie générale du contrat de travail et qui n’a pas en elle-même à donner lieu à une indemnisation spécifique au titre des frais professionnels, l’employeur devant seulement prendre à sa charge l’ensemble des frais directement engagés pour l’exercice de la profession au domicile (matériel informatique, téléphone, connexion internet) » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 avril 2010, 08-44.865 08-44.866 08-44.867 08-44.868 08-44.869, Publié au bulletin).

Accord National Interprofessionnel (ANI), accord d’entreprise, charte télétravail, Code du Travail… Quel texte appliquer pour le remboursement des frais liés au télétravail régulier ?

L’ordonnance de 2017 a fait disparaitre l’article du Code du Travail sur le remboursement des frais liés au télétravail, il faut donc se référer à l’ANI de 2005 qui stipule en son article 7 que « l’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications ». Cependant, depuis cette même ordonnance, un accord d’entreprise peut déroger à l’accord de branche ou professionnel plus large (C. Trav. L.2253-3). Ainsi, voici le texte applicable selon la situation de chaque entreprise :

  • La charte n’étant pas un accord d’entreprise mais un texte unilatéral de l’employeur, celle-ci doit se soumettre aux règles de l’ANI 2005 et 2020 sur le télétravail,
  • En l’absence d’accord d’entreprise, ce sont aussi les règles de l’ANI 2005 et 2020 sur le télétravail qui s’appliqueront,
  •  En présence d’un accord d’entreprise, c’est ce dernier qui s’appliquera, sous réserve de règles contractuelles plus favorables.

Mais attention, les règles négociées en entreprise devront nécessairement obéir aux règles de remboursement issu de l’arrêté du 20 décembre 2002 – il n’est évidemment pas possible de négocier un remboursement inférieur aux frais réels engagés par le salarié, sauf si celles-ci sont plus favorables et ne dépassent pas un certain seuil (C. Trav. art. L.2251-1).  

ANI 2020

Sans ajouter d’obligation légale nouvelle, l’ANI 2020 sur le télétravail vient rappeler l’importance du dialogue social sur la mise en place du Télétravail dans l’entreprise. Il recontextualise le sujet à notre époque en synthétisant les sujets incontournables à négocier accumulés sur les 15 ans qui la sépare de son ainée, notamment :

  • L’importance de la négociation d’un accord sur le télétravail,
  • L’éligibilité des postes,
  • La différentiation des modes de télétravail (contractualisé ou non),
  • L’expérimentation avant sa mise en place,
  • Les règles de réversibilité du télétravail,
  • Ou la prise en compte du télétravail dans la prévention des risques (notamment le droit à la déconnexion).

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